« Je hais les hommes » : le livre français menacé de censure. Et si le titre s’adressait aux femmes ?

Histoires

Une fonctionnaire du ministère français a demandé l’interdiction de la vente du texte d’une jeune écrivaine accusée de misanthropie, mais elle et la maison d’édition se défendent : « Demande ridicule »


« Moi les hommes, je les déteste »c’est-à-dire, « Je déteste les hommes» : le titre suffit à se faire une idée du contenu d’un livre qui en France fait sourciller plus d’un à la franche déclaration d’intention de son auteur. Elle s’appelle Pauline Harmange, elle est bénévole dans une association contre les violences sexuelles et dans cet essai d’à peine 96 pages publié par la maison d’édition indépendante Monstrograph elle a exprimé son point de vue à 25 ans sur la manière dont les violences sexistes et le sexisme poussent les femmes à se méfier des hommes, allant même jusqu’à les détester.

« Je vois dans la misandrie, dans la haine des hommes, une issue. Détester les hommes, en tant que groupe social et souvent aussi en tant qu’individus, me procure beaucoup de joie, et pas seulement parce que je suis une vieille dame aux chats » dit la jeune Lilloise en quelques lignes du volume cité par Courrier du Serà. Ce sont là des constats forts, décidément éloignés de toute forme d’exposé politiquement correct qui – peut-être justement parce qu’ils sont si déstabilisants en l’absence totale de tempérances lexicales – ont suscité la réaction d’un de ces potentiellement « détestables », prêt à accuser l’écrivain de misandrie .

Ralph Zurmély, chef de projet depuis 2013 au sein du ministère chargé de l’égalité femmes-hommes tenu par Elisabeth Moreno, a ainsi œuvré pour interdire la vente de ce livre (d’abord tiré à 450, puis 500 exemplaires, et actuellement non disponible à la commande, étant en stock ). La raison est dictée par le fait que le livre est considéré comme une provocation à la haine sur la base du sexe, de l’attitude – rappelle le site Marie-Claire – qui est puni par la loi d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende.

« Ce livre est évidemment, tant au niveau de la synthèse qui en est faite sur votre site que pour la lecture du titre, une ode à la misandrie (la haine des hommes, ndlr) », écrit le responsable dans un mail adressé aux éditions. maison et révélé par le magazine Mediapart : « Maintenant, je voudrais vous rappeler qu’inciter à la haine à cause du sexe est un crime ! » En conséquence, je vous demande de retirer immédiatement ce livre de votre catalogue, sous peine de poursuites. » La haine des hommes prétendument promue par le livre – a-t-il poursuivi – « n’a rien à voir avec le principe d’égalité entre les femmes et les hommes que nous défendons et constitue ni plus ni moins qu’un délit pénal ». Si l’éditeur persiste néanmoins à proposer ce livre à vendre, est directement complice de l’infraction précitée et je serais donc dans l’obligation de la transmettre au parquet pour poursuites judiciaires ».

La réponse de l’auteur et de l’éditeur

« Totalement ridicule » est considérée comme la demande du fonctionnaire par la maison d’édition. « Ce livre n’est en aucun cas un discours de haine. Le titre est provocateur mais le propos mesuré. C’est une invitation à ne pas se forcer à fréquenter des hommes ou à s’entendre avec eux. L’auteur n’incite jamais à la violence », est la défense de l’éditrice Coline Pierré recueillie par Médiaparttandis que l’auteure Pauline Harmange, qui a aussi précisé qu’elle est heureusement liée à un homme, a ajouté : « Une fonctionnaire qui traverse une crise de pouvoir devant un livre de 80 pages édité à 400 exemplaires, je trouve ça très problématique « .

Parmi les reproches adressés à l’officiel Ralph Zurmély qui s’acharnait à demander le retrait du texte controversé, il y avait celui de s’être basé uniquement sur le titre et le résumé du livre sans le lire davantage. Observation juste si ce n’est qu’en fouillant dans la dynamique du texte qu’il aurait été possible d’apercevoir un nouvel élément utile pour atténuer les positions radicales de son auteur. Mais, net du contenu jugé plus ou moins ironique selon la sensibilité des lecteurs (qu’ils soient hommes ou femmes), une réflexion saute à l’esprit à une époque où la tendance est de renforcer l’égalité des sexes, plutôt que de défendre les femmes en tant que telles. : un titre comme celui-ci n’aurait vraiment pas suffi « Je déteste les femmes» pour armer tout un auditoire de lecteurs potentiels de perplexité et d’indignation ? Vraiment, même dans ce cas imaginaire, aurait-il fallu une lecture préalable du texte avant d’arriver à la considération « hâtive » qu’un livre portant un tel nom inciterait à la haine envers tout ce qui est féminin ? Le doute sur l’utilisation de deux poids et deux mesures est légitime lorsqu’il s’agit de questions de genre. Et un débat en ces termes ne sert certainement pas à le trancher. Au contraire.

[kk-star-ratings align="center" reference="auto" valign="bottom"]

Laisser un commentaire