« Les collègues m’ont demandé de travailler à Noël car je suis la seule sans enfants »

La lettre

La lettre: « Je n’ai pas d’enfants mais j’ai aussi le droit de me reposer pendant les vacances, de les passer avec mon partenaire et ma famille »


Nous recevons de plus en plus d’e-mails de lecteurs qui souhaitent partager leurs histoires, leurs réflexions et leurs expériences. Les thèmes se reflètent dans les histoires de ces lecteurs qui sont également à l’attention du débat public comme l’identité de genre, la condition de la femme, les nouvelles formes de harcèlement dans l’environnement numérique, les nouvelles opportunités de définition de soi et des modes de vie. De ces lettres il ressort que personne n’est seul : l’expérience de l’écrivain est celle quotidienne de beaucoup d’autres.

Pour partager votre expérience, vous pouvez nous écrire à lettres@aujourd’hui.it Les histoires sélectionnées par les éditeurs seront publiées.

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« Bonjour, je m’appelle Maria, j’ai 36 ans, j’habite à Pesaro et je voulais partager mon histoire avec vous. Une histoire qui a beaucoup à voir avec Noël que j’aimerais être blanche et heureuse pour moi aussi : Noël, on s’est dit, oui c’est un merveilleux moment à passer en famille, surtout quand on a des enfants, je sais très bien qu’en général tout devient plus magique avec eux et c’est une joie de les voir déballer les cadeaux sur le matin du 25 les yeux écarquillés d’émerveillement : je le vois avec les petits enfants de ma sœur, mais même si vous n’avez pas d’enfants vous avez le sacro-saint droit de profiter des vacances en toute tranquillité.

Allons droit au but : l’entreprise où je travaille est une de celles où l’on travaille en horaires décalés car ça ne s’arrête pas même les jours fériés. Par pure coïncidence, j’ai quatre collègues femmes dans mon service qui sont toutes mariées et avec des enfants. J’ai déjà travaillé à Noël ces dernières années, et cette année j’aimerais profiter du 25 en toute tranquillité, avec ma compagne (avec qui nous avons d’ailleurs pensé plusieurs fois à faire un voyage), mes parents, ma sœur et ses enfants. Mais même s’il n’y avait pas d’enfants impliqués, bref, j’aimerais être avec ma famille, j’ai des projets aussi, je suis un être humain aussi.

Le fait est que mes collègues m’ont demandé à plusieurs reprises d’échanger leurs quarts de travail à Noël encore cette année, venant me faire comprendre assez clairement que la motivation est la suivante : je suis la seule à ne pas avoir d’enfants alors qu’ils en ont le droit être avec leur famille le matin du 25. Bref, pas tout à fait aussi explicitement, mais l’attitude n’est que cela.

« Je n’ai pas d’enfants mais c’est mon droit de vouloir profiter des vacances à la maison »

Je pense qu’ils ont été injustes d’insister, me faisant peser le fait que je suis la seule à ne pas avoir d’enfants : c’est mon droit de ne pas en avoir et de profiter de la vie (et des vacances) comme tout le monde. Généralement, avec cette excuse, je me rends compte que j’ai toujours été considéré comme ‘plus flexible’ que les autres collègues et donc s’il devait changer quelques quarts de travail même au dernier moment, on me demande généralement, peu importe si peut-être je avait d’autres programmes, le sujet « enfants » est toujours passé en premier, comme un plus grand besoin. Peut-être ai-je été naïf de m’adapter à ce mécanisme, en donnant l’habitude de toujours pouvoir compter sur moi.

Je me rends compte que c’est un sujet délicat et que je peux paraître insensible, et je comprends (j’ai vu avec ma sœur) à quel point avoir des enfants peut être englobant, donc je me suis aussi souvent adaptée volontiers. Mais j’ai aussi une vie, et ce n’est pas juste que mes besoins de repos valent moins parce que je n’ai pas d’enfants. Alors cette fois, même si je me sentais gêné, j’ai refusé : cette année, je veux profiter de Noël en famille, mais ouvrez le ciel : mes collègues étaient très agacés, et cela m’a mis mal à l’aise. Je comprends que chaque mère aimerait être avec son bébé à Noël, mais j’ai aussi des besoins et je voudrais inverser cette tendance pour laquelle tout le monde se permet de penser que, puisque je n’ai pas d’enfant, alors je n’ai même pas avoir une vie et je peux changer d’équipe en permanence.

« J’aimerais que nous ne soyons pas jugés sur le nombre d’enfants que nous avons »

J’aimerais que les femmes ne se fassent pas la guerre, et qu’on se mette toutes à penser que même un couple sans enfant peut être considéré comme une famille, ainsi qu’un individu qui a le droit de passer du temps seul sans se sacrifier constamment pour le les autres. Je crois que les gens, les femmes en particulier, ne devraient pas être classés en fonction du nombre d’enfants qu’ils ont. Je me rends compte que cette année, le matin de Noël, il y aura une femme qui devra sacrifier une partie du temps qu’elle consacre généralement à ses enfants, mais mon droit au repos ne doit pas manquer à cause de cela : j’ai aussi des projets et maintenant c’est devenu un principe, je ne vois pas pourquoi devoir renoncer à chaque fois, même si je ne peux m’empêcher de me sentir intimement (et injustement, comme me le rappelle toujours mon partenaire) coupable ».


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