demi-victoire pour l’Italie et le lobby du plastique

Le lobby européen et italien de l’emballage a remporté une victoire partielle sur les nouveaux objectifs de réutilisation des emballages de l’UE. Le texte final qui devrait révolutionner le secteur de la livraison et de la vente à emporter de nourriture et de boissons a été révisé pour répondre aux préoccupations de l’industrie. Le règlement que la Commission européenne présentera en fin de matinée contiendra en effet des objectifs moins contraignants que ceux initialement envisagés pour la réutilisation des verres et des emballages alimentaires. Mais même si le passage du jetable à l’usage et au réemploi sera ralenti, Bruxelles semble déterminé à initier le changement quitte à mécontenter l’économie du secteur.

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Un revers partiel

Les objectifs révisés seront adoptés sous la forme d’un règlement, un acte législatif directement applicable aux systèmes nationaux sans la nécessité de règles de transposition plutôt prévues dans le cas des directives. Selon le journal en ligne Euroactiv, le dernier projet de règlement européen stipule que les emballages réutilisables devront être utilisés pour : au moins 20 % des boissons chaudes et froides d’ici 2030 et 80 % d’ici 2040 (un objectif en baisse par rapport aux 30 % d’ici 2030 et 95 % d’ici 2040 envisagés dans le projet précédent) ; 10 % de plats cuisinés à emporter d’ici 2030 et 40 % d’ici 2040 (contre 20 % auparavant d’ici 2030 et 75 % d’ici 2040) ; 10 % des boissons alcoolisées et non alcoolisées (hors vins et spiritueux) d’ici 2030 et 25 % d’ici 2040 (contre 20 % d’ici 2030 et 75 % d’ici 2040).

Repas et bouteilles de vin livrés à domicile

Le texte en cours de finalisation par les commissaires européens devrait prévoir des objectifs revus à la baisse également pour les emballages réutilisables dans le secteur de la livraison alimentaire, c’est-à-dire la livraison de repas à domicile. Par exemple, rapporte encore Euractiv, les livraisons à partir de plateformes en ligne (comme Uber Eats ou Deliveroo) devront être effectuées en utilisant au moins 10 % d’emballages réutilisables d’ici 2030 et 50 % d’ici 2040. Dans ce domaine également, il y a une baisse par rapport à la objectifs initiaux qui allaient de 20% d’ici la fin de la décennie à 80% d’ici 2040. Les nouvelles règles de l’UE devraient également impliquer le secteur du vin avec 5% de bouteilles réutilisables d’ici 2030 et 15% d’ici 2040. Dans le projet de règlement signalé par la presse européenne il y a aussi un objectif de 90% d’emballages réutilisables d’ici 2030 pour la livraison du gros électroménager.

Emballage en plastique recyclé

Par rapport au premier texte de base qui s’est retrouvé dans les journaux, la Commission européenne a également modifié les objectifs pour 2030 sur le contenu recyclé obligatoire dans les emballages plastiques. Cette composition « verte » minimale devra représenter 30% des emballages sensibles au contact en Pet comme composant principal (le texte précédent prévoyait 25%), 10% pour tous les autres emballages sensibles au contact, à l’exception des boissons bouteilles en plastique à usage unique fabriquées avec des matières plastiques autres que le Pet, 30 % pour les bouteilles de boissons en plastique à usage unique (l’objectif précédent était de 50 %), 35 % pour les emballages en plastique autres que ceux-ci (objectif revu à la hausse par rapport aux 45 % précédents ).

L’opposition italienne

S’ils sont confirmés, les objectifs révisés à la baisse par Bruxelles représentent une victoire, quoique partielle, pour l’industrie européenne de l’emballage, un secteur dans lequel l’Italie est un pays leader. En témoigne l’énorme pression de lobbying des Belpaese et des gouvernement de Rome qui ne cachait pas de s’opposer au règlement. « On est dans une économie de guerre, on a un modèle vertueux, le plus vertueux du monde, et au nom d’une idéologie, et on ne voit pas bien quels intérêts, on veut le démolir. On est vraiment hors piste », a déclaré il y a quelques jours Antonio D’Amato, vice-président d’Eppa – European Paper Packaging Allinace.

Du recyclage à la réutilisation

Parmi les principales raisons de l’opposition à la fourniture par l’industrie italienne figure le fait que l’économie italienne s’est fortement concentrée ces dernières années sur le recyclage des emballages. L’année dernière, on estime que l’Italie a recyclé 73,3 % des emballages mis sur le marché – contre le seuil minimum de l’UE de 65 % – pour un total de matériaux égal à 10 millions et 550 000 tonnes. Mais avec le changement des règles en faveur du réemploi des produits, l’Italie risque de se retrouver en difficulté. D’où la demande de Stefan Pan, délégué de la Confindustria pour l’Europe, de « faire le point sur la réalité et discuter sans idéologie, en tenant compte de l’évolution technologique ». « Nous essayons d’allier ambition et réalisme, en expliquant les réelles implications de cette proposition de règlement, qui investirait plus de 700.000 entreprises et 6 millions de salariés en Italie, sans compter le commerce et l’Horeca », a-t-il ajouté.

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Des doutes sur la durabilité

Parmi les doutes soulevés ces derniers jours par l’industrie italienne, il y a aussi ceux liés à la durabilité environnementale de la fourniture. « Penser pouvoir interdire les produits jetables pour privilégier les emballages réutilisables est non seulement contraire aux logiques les plus élémentaires de protection des aliments et de protection de la santé des consommateurs – a fait valoir D’Amato – mais entraîne également une charge fondamentale en termes de production de CO2 quatre fois plus que la production de contenants jetables, alors qu’en termes de consommation d’eau on parle de 4 à 5 fois plus », a-t-il ajouté, citant une étude qui calcule l’impact environnemental des produits réutilisables tout au long du processus qui les accompagne : de leur transport retour aux restaurants ou autres points de vente pour le lavage et le séchage. Des passages qui, selon l’industrie italienne, consomment plus d’énergie, plus d’eau et plus de ressources que celles nécessaires à la production et à l’utilisation des emballages papier jetables. Autant d’arguments que la Commission devra démentir dans sa disposition qui, en plus de convaincre l’industrie, devra expliquer aux consommateurs pourquoi le passage aux emballages réutilisables apportera des bénéfices à la collectivité.

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